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26 mars 2016

Théodoric et la magie des géants, d'Etienne Marécaux

 

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Théodoric et la magie des géants

Etienne Marécaux, Lauréat du concours 2015

 

J’attendais ce moment avec impatience…

 

Nous étions le matin et je prenais mon petit déjeuner composé d’œufs au bacon et de lait chaud quand j’entendis, au loin, les battements du tambour, le timbre grave des trompettes, les sons acidulés des saxophones et les coups des cymbales. La fanfare arrivait !

Aussitôt, je sortis devant la maison. Quelques instants plus tard, le cortège arriva, constitué d’une quarantaine de musiciens, du géant Théodoric, mon meilleur ami, et de quelques spectateurs fermant la marche.

Au fait ! Je ne vous ai pas parlé de Théodoric ! C’est un géant qui est vêtu de rouge en bas, d’un gilet bleu foncé, d’une ceinture, un sac en bandoulière et d’un chapeau avec des plumes. Normalement, il est statique ou poussé par deux personnes. Mais moi, quand il fait noir et que nous sommes seuls, il me parle. Je ne sais pas pourquoi à moi et pas à un autre garçon.

Les spectateurs avaient l’air réjouis de ces morceaux, à la fin de la matinée. Puis vint le repas, que je passai avec mon père, le batteur du groupe, ma mère, saxophoniste, et mon frère, trompettiste. J’étais le seul à ne pas être musicien dans la famille.

La journée se passa sans événements particuliers. La nuit venue, je quittai la maison pour me rendre dans le local où était rangé Théodoric, que je surnommais Odor. Je rentrai :

« Salut, Odor ! commençai-je.

-          Bonjour, mon petit garçon !

-          Alors, pas trop fatigante, cette journée ?

-          Oh, tu parles, dit-il, je suis épuisé.

-          Tu veux que je te laisse te reposer tranquillement ? lui proposai-je.

-          Non, car ce soir est venu le temps pour moi de te conter mon plus grand secret ».

 Un secret ? Que voulait-il me dire ?

« Il y a très longtemps, continua-t-il, j’étais un petit garçon, comme toi. Je vivais ici, à Téteghem. Les jours de fanfare, la musique m’enchantait les oreilles. J’étais aux anges. J’ai donc voulu m’inscrire à cet orchestre. Au début, mes parents n’étaient pas d’accord, mais j’ai réussi à les convaincre. Cependant…

J’entendis du bruit, à l’extérieur. Je ne sus où me cacher : le local était vide ! La porte s’ouvrit et une ombre se dessina dans l’encadrement de l’ouverture. La personne entra.

Théodoric était redevenu silencieux.

Je découvris un homme, de taille moyenne. Je ne distinguais pas plus les détails sur son visage pour en faire une description plus précise. Il s’avança, puis je le reconnus : il s’agissait de mon père !

« Eh bien, que fais-tu ici à cette heure ? »

Je ne répondis pas, craignant une sanction.

« Allez, on rentre à la maison, conclut-il ».

Je devrais attendre la nuit prochaine pour en savoir plus sur le secret de Théodoric.

La nuit suivante, je retournai dans le local, déjouant la vigilance de mes parents qui, au final, ne s’étaient pas posé trop de questions sur ma présence dans le local à une heure aussi tardive. Quand Théodoric me vit, il s’exclama :

« Ah, heureusement que tu es revenu : je dois te confier la fin de cette histoire de la plus haute importance.

-          Merci de me la conter, Odor ».

Il reprit d’un ton plus grave :

« Tu verras par la suite de l’histoire que tu étais obligé de connaître son existence. Je recommence donc là où nous nous étions séparés hier soir. M’étant inscrit à l’orchestre, tout allait pour le mieux. Mais un jour, alors que je donnais un concert – j’étais le pianiste – un inconnu entra, une caisse à la main. Il s’approcha de la scène et les musiciens s’arrêtèrent de jouer. Tout le monde était stupéfait et ne savait quoi dire. Ensuite, il ouvrit sa caisse et en sortit une sorte de santon et une canne. Quelques personnes sortirent de la salle. Avec sa canne, il tapa trois fois sur le sol et récita une formule dans laquelle je crus reconnaître mon prénom. Ensuite, un filet bleu sortit de sa canne, transperçant le santon qui commença à s’agrandir, s’agrandir… »

Théodoric s’arrêta de parler, plongé dans ses souvenirs. Enfin, il reprit :

« Il prit une taille immense. Le public et les musiciens retenaient leur souffle. Enfin, le petit personnage devenu immense arrêta sa croissance démesurée. Il me semblait vivant, à présent. Il me fixait. Je n’avais jamais eu aussi peur de ma vie. Malheureusement, ce furent les derniers de celle-ci. Mes yeux me piquaient, ma vision était obscurcie, mon cœur battait à tout rompre, mes poumons allaient éclater. Je pris ma dernière inspiration. Mon ultime vue sur ce monde fut une fumée noire qui s’échappait de mon corps. Cette fumée, c’était mon âme, je le sus par la suite.

Elle est emprisonnée dans ce géant depuis plusieurs années maintenant. Aujourd’hui, seuls deux sens me restent encore : la vue et l’ouïe. Voilà, tu connais mon histoire, maintenant.

-          Mais c’est incroyable ! m’exclamai-je.

-          Eh oui, répondit-il. Seuls les gens qui étaient présents dans la salle à ce moment connaissent mon secret et le gardent pour eux. Mais ce n’est pas le plus important de l’histoire. Je ne sais pas si je dois te le dire aujourd’hui.

-          Si, s’il te plaît ! le priai-je.

-          Bon, puisque tu insistes… Je te préviens, tu ne vas peut-être pas être très content, me dit-il tout bas. Mais bon, je vais te le dire. La nuit prochaine, l’étrange personnage qui est apparu dans la salle de concert va venir ici. Il va transférer mon âme dans une boîte et la tienne va être enfermée dans ce géant ».

Je le regardais, ne pouvant le croire. Je comprenais tout, à présent ! Pourquoi Théodoric me confiait son secret que maintenant et surtout pourquoi il pouvait me parler.

La nuit suivante, je retournai dans le local, quelque peu inquiet du sort qui m’attendait. Je n’eus pas le temps de faire quoi que ce soit que quelqu’un entra dans la petite pièce. Je ne savais pourquoi, mais j’étais sûr que c’était le transformeur de petits garçons  qui arrivait.

Quand sa silhouette apparut dans l’ombre, il semblait un vieillard. Il suffoquait. Sa respiration était désagréable à entendre. Il se précipita dans le local mais perdit l’équilibre et s’étala de tout son long sur le sol.

Les instants suivants étaient inquiétants : je ne voulais pas mourir ici mais si lui décédait, je ne le rejoindrai pas dans les limbes. Il ne faisait plus de bruit ; cependant, il se dégageait de son corps une lueur jaunâtre qui se dirigeait droit vers le ciel, sûrement son âme, et une faible clarté, quant à elle, s’engageait du côté de Théodoric.

Le corps était sans vie.

J’avais échappé à la mort. Mon ami se réveilla.

« Alors, tu es content de ne pas t’être transformé en géant ? »

Tout à coup, je me métamorphosai en un colossal être. Je ne ressemblais pas à Théodoric, pourtant, j’atteignais sa hauteur. Théodoric reprononça le mot « géant ! » et je me transformai en petit garçon. La lumière verte de l’étrange personnage devait être le pouvoir qu’il avait et qui, par l’intermédiaire de sa mort, hantait désormais mon meilleur ami.

Tantôt il me changeait en géant, tantôt en petit garçon, comme par magie. C’était nôtre secret à nous. Nous participions à la ronde des géants et fûmes heureux, perpétrant la légende des géants jusqu’à la fin de nos jours.

 

Catégorie jeunes

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